Je ne sais par quel paradoxe temporel DOBERMAN [crew] est arrivé jusqu’ici mais toujours est-il que quand j’écoute ce skeud j’ai vraiment l’impression d’être dans la peau de Marty McFly. Marty qui sera reparti quinze ans dans le passé, dans le milieu des années 90, une époque où Crown_Me marchait à peine et Papy était déjà papy. J’me revois dans mon beau et gris Plat Pays sautant partout dans ma chambre tandis que mon lecteur cassette crache ses watts sur les premiers méfaits de No One Is Innocent et Oneyed Jack. Un temps où, en France, la fusion post RATM était reine et les groupes mixait punk, metal et hip hop dans une même sarabande politico-musicale qui sentait la rue et la révolte (ou pas). C’est tip top dans cette catégorie que s’inscrit DOBERMAN [crew]. Une musique métissée empruntant autant au metal, au hardcore, au punk ou au hip hop ajoutant même une petite touche eletcronisante et quelques samples histoire de bien se faire comprendre.

A la première écoute j’me suis dit « Mais Nom de Zeus on a plus le droit de faire une musique pareille en 2010 ». Et ben finalement si, on a tout à fait le droit. Quand la musique est bonne (bonne… bonne…bonne), on peut se permettre de faire ce qu’on veut et c’est ce droit à la liberté qu’ont utilisé les gars de DOBERMAN [crew] pour livrer ce premier album éponyme. Je l’ai dit la groupe balance une fusion indéniablement old school dans la forme, mais modernise son propos en profitant de la technologie actuelle pour booster le son. Ca sonne, ça groove et l’ensemble affiche un son impeccable faisant la part belle à chaque instrument. Dans la grande tradition du genre la basse zouke et les grattes rentrent dans le lard à coup de riffs simples mais efficaces et dansants en diable. Niveau influences, outre les deux groupes déjà cités, on reconnaît une touche Lofofora dans le son tout en rondeur et en graisse des guitares ainsi que dans les lyrics, on peut aussi distinguer la présence d’un Tagada Jones bien planqué au fond occupé à faire le con à côté de la fenêtre. Ils en profitent aussi pour adresser un big up à Assassin via une reprise de leur fameux « Hoo hoo assassins de la police » qui renforce encore le côté Marty McFly de la chose.

Si le son des Lyonnais s’inspire de l’âge d’or de la fusion française, le propos tape dans la même époque. On retrouve des lyrics scandés façon manifs étudiantes, mixant voix hardcorisante et vocaux hip hop de façon homogène. Les revendications sociales et politiques semblent être la préoccupation première de Keefran mais d’autres sujets sont aussi abordés au fil de l’album. Les lyrics peuvent par moments prêter à sourire de par leur premier degré total et leur naïveté assumée. Mais bon, la naïveté s’avère parfois salvatrice en ces temps troublés par un cynisme et une morosité grandissante. Pour être tout à fait honnête les quelques samples introductifs sur certains morceaux paraissent un peu too much. Mais qu’à cela ne tienne, les Lyonnais sont là pour dénoncer certes mais avant tout pour faire de la musique et inciter les kids à pogotter et à danser comme des oufs sur leur musique métissée et endiablée. Alors oui, les jeunes, danser et faire la fête c’est très bien mais ça n’interdit pas de penser non plus.

DOBERMAN [crew] plaira certainement à ceux qui, dans leur jeune temps, ont « mové leur body » et usé leur baggys sur No One, Oneyed, les premiers Lofo, Black Bomb A et cie. Allez faites pas semblant de pas me voir je sais qu’il y en a parmi vous. C’est pas de la grande musique mais elle fait du bien par où elle passe, il ne tient qu’à vous de découvrir un album court et efficace partagé entre nostalgie d’une scène révolue et modernité bienvenue.


Rédigé par : Seb On Fire | 13/20 | Nb de lectures : 11245